Passer au contenu principal

Par Corrado Tiralongo, chef des placements | 4 février 2025

Les tarifs douaniers proposés annoncés par les États-Unis signalent un changement important dans la dynamique du commerce mondial, avec des droits de douane de 25 % qui seront imposés au Canada et au Mexique à partir de mars et des droits de douane supplémentaires de 10 % imposés à la Chine. Bien que cette mesure soit officiellement justifiée par la volonté de réduire le trafic de fentanyl, nous estimons qu’elle n’est qu’un prétexte pour Trump de recourir pour la première fois à l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) pour imposer des tarifs douaniers, étant donné que les saisies américaines de cette drogue à la frontière canadienne se sont élevées à aussi peu que 43 livres sur l’ensemble de l’année dernière1. Ces tarifs semblent s’inscrire dans une stratégie économique plus vaste. Les importations en provenance de l’Union européenne (UE) seront probablement touchées d’ici un mois ou deux. Un tarif universel est également attendu en avril.

Étant donné que les exportations vers les États-Unis représentent environ 20 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada et du Mexique, si les droits de douane proposés sont mis en œuvre, ils pourraient entraîner les économies canadienne et mexicaine vers une récession dans le courant de l’année. La hausse de l’inflation américaine découlant de ces droits de douane et d’autres mesures futures sera encore plus rapide et pourrait être plus importante que ce que nous avions initialement prévu dans nos prévisions macroéconomiques. Les questions névralgiques sont maintenant de savoir comment les pays concernés pourraient réagir et quelles seront les conséquences pour les marchés nord-américains et mondiaux.

Répercussions macroéconomiques : inflation, croissance et réponse politique

Économie américaine : hausse de l’inflation, resserrement de la politique monétaire

Selon nous, s’ils sont mis en œuvre, la conséquence la plus immédiate de ces tarifs sera une hausse des pressions inflationnistes aux États-Unis, les importateurs répercutant les coûts accrus aux consommateurs. Historiquement, les droits de douane se sont avérés être une taxe imposée aux acheteurs nationaux plutôt qu’aux producteurs étrangers. Cette série devrait donc faire passer l’inflation aux États-Unis au-dessus de 3 % d’ici la deuxième moitié de l’année.

Cela complique les perspectives de la Réserve fédérale (Fed). Bien que nous estimions peu probable que la Fed relève ses taux d’intérêt en réponse, puisque les tarifs créent un choc ponctuel sur les prix plutôt qu’une inflation persistante, cette mesure réduit effectivement la fenêtre déjà étroite pour des baisses de taux en 2025. Un scénario dans lequel l’inflation reste élevée alors que la croissance ralentit pourrait placer la Fed dans une position difficile, limitant sa souplesse pour soutenir l’économie américaine.

Canada et Mexique : hausse des risques de récession

Pour le Canada et le Mexique, les répercussions pourraient être beaucoup plus graves. Leurs économies sont fortement intégrées à celles des États-Unis; l’imposition de tarifs douaniers aussi importants viendrait par conséquent perturber des chaînes d’approvisionnement qui fonctionnent sans heurts depuis des décennies. Le Canada a déjà signalé son intention de riposter en imposant des droits de douane sur des importations américaines d’une valeur pouvant atteindre 155 milliards de dollars, exacerbant ainsi les tensions commerciales.

Selon les prévisions économiques, le Canada et le Mexique pourraient connaître deux trimestres consécutifs de croissance négative, ce qui les plongerait en récession. Le secteur de l’énergie en particulier est un domaine critique à surveiller. Bien que certaines exportations d’énergie canadiennes puissent bénéficier d’exemptions, l’incertitude entourant la politique commerciale pourrait peser lourdement sur les décisions d’investissement dans le secteur.

Réaction du marché et considérations pour les investisseurs

Volatilité des devises et des marchés boursiers

En réponse à l’incertitude commerciale accrue, le dollar américain a gagné en vigueur, et nous nous attendons à ce qu’il continue de se renforcer, stimulé par la demande d’actifs refuges. Un dollar plus vigoureux pourrait peser sur les marchés émergents et les multinationales américaines, en particulier celles qui sont fortement exposées au Canada, au Mexique et à la Chine.

Les marchés boursiers sont également susceptibles de connaître une volatilité accrue. Les secteurs fortement exposés au commerce nord-américain, tels que l’industrie manufacturière et les biens de consommation, seront soumis à des pressions sur les marges en raison de l’augmentation du coût des intrants. Entre-temps, les sociétés dont les chaînes d’approvisionnement sont nationales peuvent être considérées comme relativement avantagées, bien que le sentiment général du marché soit susceptible de devenir plus réfractaire au risque.

Titres à revenu fixe et écarts de taux

La réaction du marché obligataire sera tout aussi importante. Si les perspectives de croissance américaine se détériorent, les rendements des obligations du Trésor américain pourraient baisser, les investisseurs recherchant la sécurité. Toutefois, si les préoccupations inflationnistes dominent, la courbe de rendement pourrait s’accentuer, reflétant les attentes selon lesquelles la Fed sera limitée dans sa capacité à réduire les taux. Les écarts de taux pourraient s’élargir, en particulier pour les obligations de sociétés dans les secteurs exposés aux perturbations commerciales.

Risques de guerre commerciale mondiale : les leçons de l’histoire

Il est difficile d’ignorer les parallèles avec les tarifs douaniers Smoot-Hawley des années 1930, mais le contexte historique est essentiel. Si le protectionnisme commercial a contribué à l’effondrement économique de cette époque, il n’en a pas été la cause première. Le choc de la demande de la Grande Dépression a joué un rôle beaucoup plus important. Toutefois, le risque actuel réside dans la réaction. Si les tarifs douaniers étaient en fin de compte mis en œuvre et que les grandes économies ripostaient d’une manière qui exacerbe les tensions, nous pourrions assister à une réaction en chaîne qui ralentirait considérablement la croissance du commerce mondial.

Bien que les tarifs initiaux imposés à la Chine aient été inférieurs à ceux qui pourraient être imposés au Canada et au Mexique (10 % contre 25 %), on s’attend généralement à ce que les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine continuent de s’intensifier, pour possiblement atteindre un niveau tarifaire de 60 % sur l’ensemble des importations chinoises. La dimension géopolitique ajoute un autre niveau de complexité. Cette guerre commerciale n’est pas seulement une question économique, mais aussi une question de concurrence stratégique plus large entre les États-Unis et la Chine.

Stratégie de placement : se positionner face à l’incertitude

Compte tenu des répercussions macroéconomiques et boursières, il est essentiel d’adopter une approche rigoureuse de la constitution de portefeuille.

  • La diversification reste cruciale : L’exposition à des actifs non corrélés, tels que le crédit privé et les stratégies alternatives, peut aider à se prémunir contre la volatilité des marchés.
  • Accent mis sur les actifs de grande qualité : Les sociétés dotées d’un bilan solide et d’un pouvoir de fixation des prix seront mieux positionnées pour résister aux pressions tarifaires sur les coûts.
  • Exposition sélective aux titres à revenu fixe : Bien que les obligations du Trésor américain puissent servir de refuge, les écarts de taux pourraient se creuser, rendant la sélection de titres de créance cruciale.
  • Positionnement opportuniste en actions : Les sociétés américaines dont les flux de revenus intérieurs sont importants pourraient être relativement avantagées, tandis que les sociétés multinationales exposées aux chaînes d’approvisionnement nord-américaines pourraient être confrontées à des vents contraires.

En conclusion

Bien que les tarifs douaniers imposés au Canada et au Mexique fassent l’objet d’un sursis de 30 jours, les semaines à venir seront déterminantes. Si les tarifs sont imposés en mars et que les représailles sont mesurées, les dommages économiques peuvent être limités. Toutefois, si la situation dégénère en une véritable guerre commerciale, les répercussions sur la croissance mondiale et les marchés des capitaux pourraient être graves. Toutes choses égales par ailleurs, nous croyons que les tarifs douaniers sont une mauvaise nouvelle pour les actions américaines, mais nuiront en général encore plus aux actions d’autres pays. À plus long terme, les dernières mesures tarifaires prises par Trump à l’encontre du Canada et du Mexique, ainsi que les menaces qu’il a proférées récemment à l’encontre de l’Union européenne et de Taïwan, montrent qu’il est prêt à porter atteinte à ces alliances pour des différends économiques mineurs. S’il maintient cette approche, cela risque de saper la confiance mondiale dans le leadership et la diplomatie des États-Unis. S’il est peu probable que des pays occidentaux comme le Canada ou le Danemark changent de camp et se rallient aux dirigeants du Parti communiste chinois à Beijing, certains pays du Sud pourraient être enclins à se rapprocher davantage de la Chine après avoir vu comment les États-Unis traitent leurs alliés les plus proches.

À court et à moyen terme, les investisseurs devraient se préparer à une volatilité accrue, en conciliant gestion des risques et positionnement stratégique afin de composer avec un contexte commercial plus incertain.

Source : U.S. Customs and Border Protection. (2025). Drug Seizure Statistics. Données tirées du site https://www.cbp.gov/newsroom/stats/drug-seizure-statistics

Le contenu de cet article (y compris les faits, les perspectives, les opinions, les recommandations, les descriptions de produits ou titres ou les références à des produits ou titres) ne doit pas être pris ni être interprété comme un conseil en matière de placement, ni comme une offre de vente ou une sollicitation d’offre d’achat, ou une promotion, recommandation ou commandite de toute entité ou de tout titre cité. Bien que nous nous efforcions d’en assurer l’exactitude et l’exhaustivité, nous n’assumons aucune responsabilité quant à son utilisation.

Ce matériel pourrait renfermer des renseignements prospectifs qui décrivent nos attentes actuelles ou nos prédictions pour l’avenir ou celles de tiers. Les renseignements prospectifs sont, de par leur nature, assujettis, entre autres, à des risques, incertitudes et hypothèses qui peuvent modifier de façon importante des résultats réels qui ont été énoncés aux présentes. Ces risques, incertitudes et hypothèses comprennent, mais sans s’y limiter, les conditions générales économiques, politiques et des marchés, les taux d’intérêt et de change, la volatilité des marchés boursiers et financiers, la concurrence commerciale, les changements technologiques, les changements sur le plan de la réglementation gouvernementale, les changements au chapitre des lois fiscales, les poursuites judiciaires ou réglementaires inattendues et les catastrophes. Le lecteur est invité à examiner attentivement ces facteurs, ainsi que d’autres facteurs, et à ne pas se fier indûment aux renseignements prospectifs. L’information prospective contenue dans le présent document n’est à jour qu’en date du 4 février 2025. Il ne faut pas s’attendre à ce que ces renseignements soient mis à jour, complétés ou révisés en raison de nouveaux renseignements, de nouvelles circonstances, d’événements futurs ou autres.

Canada Vie et le symbole social, et Gestion de placements Canada Vie limitée et le symbole social sont des marques de commerce de La Compagnie d’Assurance du Canada sur la Vie.