Par C WorldWide Asset Management | 9 juin 2022
Alors que nous essayons d’évaluer les répercussions à plus long terme des agressions brutales de la Russie contre l’Ukraine, certaines conclusions se présentent rapidement et sont difficiles à contester. Ce sont les choses connues, que nous connaissons. D’autres sont plus spéculatives, mais sont aussi souvent celles sur lesquelles il est le plus important de ne pas se tromper. Ce sont les inconnues « connues ». Bien sûr, ce serait formidable d’avoir raison en ce qui concerne les inconnues « inconnues », mais puisque ce serait se lancer dans le monde des voyants et respecter leur monopole, nous ne nous aventurerons pas sur ce terrain.
Les choses connues que nous connaissons
La guerre est la forme d’expression la plus extrême et la plus violente d’un état omniprésent. Nous avons défini le thème de l’« état omniprésent » à l’époque de la grande crise financière, et il a pris beaucoup d’ampleur depuis. Toutefois, les agressions de la Russie contre l’Ukraine et la réponse à ces attaques nous amènent à un nouveau niveau qui nous amène maintenant de commencer à parler d’une nouvelle « économie de guerre » en Europe. L’Allemagne, sous l’égide d’un nouveau dirigeant, a fait ce qui devait être fait : reconnaître son statut de superpuissance européenne et annoncer qu’elle lancera un nouveau programme de réarmement comme nous n’en avons pas vu depuis les années 1930. La majeure partie, sinon la totalité, de l’Europe suit l’Allemagne. Les priorités ont été réorganisées; la sécurité – à la fois souveraine et sur le plan de l’énergie – a préséance sur tout le reste alors que nous renouons avec les besoins fondamentaux de Maslow. Le président Macron parle même de la nationalisation des entreprises énergétiques – pour une raison quelconque, M. Macron, ancien libéral, pense que l’État est mieux placé pour fournir de l’énergie que le secteur privé... Nous commençons également à entendre parler de la fixation des prix de l’énergie et des services publics et de l’introduction de subventions pour les segments pauvres de la population, deux éléments qui n’ont même pas été envisagés lors de la crise énergétique des années 1970.
L’Union européenne (UE) travaille à l’émission d’une dette européenne conjointe pour financer des subventions advenant des prix élevés de l’énergie. Le contexte difficile actuel permet à l’UE de se doter d’un mandat élargi. La région s’appuie sur ses expériences tirées d’autres crises, comme la récente pandémie de COVID-19, pour prendre des décisions plus robustes et plus rapides. « L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises », a déclaré Jean Monnet, un des pères fondateurs de l’UE, dans les années 1950. L’UE se développe lors de crises. La hausse des ratios de dette et du produit intérieur brut (PIB) en raison de la guerre entraînera l’émission d’une dette conjointe de l’UE pour se protéger d’une crise souveraine ou d’une crise de l’euro. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne (BCE) devrait de nouveau être appelée à la rescousse en offrant de faibles coûts de financement et en maintenant la stabilité des écarts de taux des obligations d’État, c’est-à-dire qu’un assouplissement quantitatif plus prononcé est plus probable qu’autre chose. Relever les taux d’intérêt dans le cadre d’une crise géopolitique qui chevauche une crise de l’énergie semblerait contre-productif. L’émission d’une dette de l’UE plus courante et l’achat centralisé d’armes sont toutes des initiatives ascendantes qui nécessitent un nouveau cadre institutionnel qui s’oriente vers une union budgétaire et politique. Devant l’« invasion barbare » de l’Europe, il est beaucoup plus difficile de s’opposer à une intégration politique plus approfondie en Europe.
Le monde a sous-investi dans l’énergie primaire au moins depuis 2014. Cette situation découle du programme de transition énergétique et de notre désir commun d’éliminer progressivement les combustibles fossiles. Il n’y a pratiquement aucune capacité de réserve actuellement. Cela était évident bien avant l’invasion russe de l’Ukraine, mais l’imposition de sanctions contre le plus important producteur de marchandises au monde et le fait de dire que l’Europe veut se débarrasser du pétrole russe – avec la menace implicite formulée par la Russie d’interrompre les approvisionnements au continent – ont, bien sûr, créé encore plus de chaos. Les prix de l’énergie resteront élevés de façon durable, principalement en ce qui concerne le prix de l’essence en Europe, à mesure que nous nous affranchirons de la dépendance énergétique à l’égard de la Russie au cours de la prochaine décennie. Il sera très difficile de le faire plus rapidement, à moins que la Russie ne prenne une décision pour nous.
Le « modèle commercial » de l’Europe des 30 dernières années était fondé sur l’impartition de ses besoins en énergie à la Russie et de sa défense aux États-Unis, alors que l’Europe a fabriqué des produits pour le monde entier et a créé des États-providence de renommée mondiale pour ses citoyens. L’Ukraine change la donne. L’Europe devra devenir beaucoup plus autonome pour à peu près tout. L’énergie proviendra du gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis et d’une expansion massive des énergies renouvelables nationales. Le nucléaire pourrait devenir une partie de la solution, mais il s’agirait ici d’aborder les inconnues connues. Les nouveaux investissements dans la défense auront des répercussions sur les budgets du secteur public.
La financiarisation de l’économie, compte tenu de la croissance constante de la dette, tant publique que privée, et de la hausse de la valeur des actifs, a été le plan d’action d’une génération. Cette évolution s’accélérera à mesure que le secteur public devra faire face à des domaines de dépenses encore plus importants, sous la forme de subventions pour les coûts élevés de l’énergie, les coûts de l’énergie, l’indépendance énergétique et la défense. De façon réaliste, les politiques monétaires ne se normaliseront probablement jamais, et les taux d’intérêt réels devront demeurer très négatifs. La dynamique à cet égard n’a fait que croître, car la sécurité nationale est maintenant au centre de l’attention et sera finalement assurée par la réglementation financière et le contrôle de la courbe de rendement, le cas échéant. Des taux réels négatifs garantissent des rendements médiocres des obligations et réduisent les obstacles pour les actions et les actifs réels, ce qui devrait être favorisé dans ce contexte.
La volonté d’isoler notre économie du monde extérieur est un phénomène qui a pris de l’ampleur depuis la grande crise financière et s’est accentué en raison de la pandémie de COVID-19. Les chaînes d’approvisionnement sont au centre de l’attention. La COVID-19 nous a appris que nous étions trop dépendants des fournitures provenant de loin. L’efficacité, l’inventaire juste à temps et l’optimisation des profits ont été poussés trop loin. On s’efforcera maintenant davantage de créer des chaînes d’approvisionnement résilientes, à l’abri des préoccupations géopolitiques possibles. L’incapacité du secteur automobile à se procurer des puces informatiques en est un bon exemple. L’UE et les États-Unis ont décidé de subventionner la localisation de la fabrication de puces à semi-conducteurs, au départ à hauteur d’environ 50 milliards de dollars américains pour chacune des parties. C’est un début, mais il en faudra bien plus (des multiples de ce nombre) si les deux continents prennent au sérieux le retour de la fabrication mondiale de semi-conducteurs vers l’Europe et les États-Unis. La situation difficile des États-Unis est particulièrement cruciale. On peut comparer la situation à la dépendance de l’Europe à l’égard de l’énergie d’une Russie hostile, puisque l’armée américaine dépend des chaînes d’approvisionnement en Chine. La Chine est considérée comme un adversaire stratégique et, par conséquent, il faudra faire tout ce qui est nécessaire pour supprimer cette dépendance. Notre point de vue, que partage Morris Chang, fondateur de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), est qu’il est irréaliste d’essayer de localiser une industrie très mondialisée comme celle des semi-conducteurs. Dans tous les cas, c’est une bonne chose pour les fournisseurs d’équipement qui ont des sites de production plus localisés. En règle générale, nous nous attendons à ce que la tendance à la localisation des chaînes d’approvisionnement se traduise par une hausse marquée des investissements dans le secteur manufacturier dans l’avenir.
Les inconnues connues
L’invasion russe a fait face à une réponse déterminée des pays occidentaux. La plupart des banques russes ont été expulsées du système de paiement SWIFT. Toutefois, et surtout aux fins de cette discussion, les actifs de réserve de la banque centrale de Russie ont été gelés, ce qui signifie essentiellement que la Russie ne peut accéder qu’à la partie de ces actifs qui sont libellés en renminbi (Rmb) ou à l’or stocké au pays.
Les États-Unis ont auparavant gelé les réserves de change de l’Iran, de la Syrie, de l’Afghanistan et du Venezuela. Pourtant, aucune des cibles des sanctions précédentes n’était aussi puissante que la Russie. Cela a ouvert une boîte de Pandore d’incertitude au sujet du futur système de gestion des actifs de réserve.
Si vos réserves de change des banques centrales peuvent être gelées au moment où vous en avez le plus besoin, à quoi bon les détenir? Se pourrait-il que le gel décrété par la banque centrale marque la fin du système post-Bretton Woods, créé après que Richard Nixon ait retiré les États-Unis de l’étalon-or en 1971, et le début d’un nouvel ordre monétaire axé sur certains actifs de réserve neutres à déterminer au cours des années à venir? Si vos actifs en dollars peuvent disparaître au gré du débiteur, il s’ensuit qu’un système de réserve doit exister à l’extérieur du système financier fondé sur le dollar. D’autant plus que de nombreux pays créanciers ont très peu confiance dans l’émetteur de la réserve, les États-Unis, et, dans bien des cas, se querellent avec lui.
Éclatement du système de pétrodollars?
À la suite du gel des actifs, l’Inde a annoncé pour la première fois qu’elle travaillait avec la Russie pour importer du pétrole brut russe et le payer en roupies. Le jour suivant, l’Arabie Saoudite a annoncé qu’elle était disposée à vendre du pétrole brut à la Chine et à se faire payer en Rmb. Jusqu’à présent, le marché du pétrole était un marché en dollars, officialisé en 1974 dans la foulée de la première crise de l’énergie. Les États-Unis voulaient désespérément que l’Arabie Saoudite compense la baisse de la production pétrolière américaine, qui avait atteint son sommet en 1970. Les États-Unis achèteraient du pétrole de l’Arabie Saoudite et fourniraient en retour de l’aide et de l’équipement militaire. Quant à l’Arabie Saoudite, elle réinvestirait des milliards de dollars de revenus de pétrodollars dans les titres du Trésor américain et, ce faisant, financerait le déficit budgétaire des États-Unis. C’était la naissance du système de pétrodollars utilisé depuis. Il semble maintenant y avoir rupture.
Une autre raison derrière la réticence croissante à détenir des actifs de la réserve américaine est que, compte tenu de l’endettement des États-Unis et d’autres économies occidentales, les taux d’intérêt réels devront être maintenus négatifs pendant de nombreuses années. Pourquoi alors vendre votre pétrole brut et être payé avec des actifs de la réserve ayant un rendement réel négatif?
Changements importants apportés au système de réserves internationales
Enfin, et en dépit des avantages historiques évidents du fait d’être l’émetteur de la réserve, les États-Unis pourraient également avoir des raisons de vouloir changer le système. Les États-Unis ont désindustrialisé et externalisé leur base manufacturière principalement en Chine. C’est l’envers de la médaille d’être l’émetteur de la monnaie de réserve. Cette situation a à son tour affaibli la classe moyenne américaine et fait passer les États-Unis à une économie axée sur les services. En ce qui concerne les décennies à venir, la lutte pour le pouvoir oppose les États-Unis et la Chine. Est-il possible d’être une superpuissance sans base manufacturière et de dépendre fortement de la Chine pour ce qui est de se procurer des composants essentiels pour ses forces armées? Au cours des prochaines décennies, l’économie américaine devra délocaliser le secteur manufacturier de la Chine, produire plus et importer moins. La structure du système de change actuel surévalue le dollar américain parce que le monde extérieur recycle le déficit du compte commercial vers les États-Unis en achetant des actifs américains, faisant ainsi augmenter la valeur du dollar américain. Nous constatons le début de changements importants au système de réserves internationales.
Conclusion
Le tableau brossé est inflationniste. Et il ne faut pas oublier que les périodes de guerre sont inflationnistes. Il s’agit d’une rupture nette par rapport aux 30 dernières années. Toutefois, les facteurs structurels sous-jacents de la désinflation des dernières décennies sont toujours présents, soit la dette, la démographie et la technologie. Dans le bon vieux temps, les banques centrales ont créé des récessions en relevant les taux d’intérêt trop fortement pour refroidir l’économie. Dans les années 2020, ce seront les marchandises qui feront le travail des banques centrales; les prix élevés des marchandises, principalement l’énergie, finiront par entraîner l’effondrement de la demande et la récession, et la baisse des prix des marchandises conduira à la reprise. Sous l’effet de l’oscillation des marchandises, les investisseurs seront témoins de pics inflationnistes suivis d’effondrements, et de l’abondance remplacée par des pénuries. Cerner les entreprises solides ayant un pouvoir d’établissement des prix exposé à des tendances à plus long terme et à des facteurs favorables thématiques, et bâtir des portefeuilles de croissance à long terme résilients semble être la seule réponse rationnelle dans un monde irrationnel afin d’éviter d’être frappé de plein fouet par ces changements.
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