Par Northcape Capital | 27 octobre 2021
Lorsqu’on investit dans les marchés émergents, il est peu probable qu’une approche universelle soit suffisante pour obtenir de bons rendements. En fait, l’indice Morgan Stanley Capital International (MSCI) Marchés émergents compte plus de 1 400 sociétés à grande et moyenne capitalisation réparties dans 27 pays (en date de juin 2021). Vu cette complexité, Northcape Capital prend soin de comprendre les risques propres à chaque pays. Le recours par Northcape, à titre de gestionnaire du Fonds d’actions de marchés émergents Parcours, à des recherches « descendantes » ou macroéconomiques axées sur l’analyse du risque souverain est essentiel à sa compréhension des caractéristiques risque/rendement des différents marchés. La Chine, en particulier, a attiré davantage l’attention en raison des mesures de répression réglementaires qu’elle a prises dans de nombreux secteurs. L’équipe responsable des actions des marchés émergents de Northcape examine de plus près les risques pour les investisseurs étrangers.
La stratégie de Northcape à l’égard des marchés émergents est depuis longtemps dénuée d’exposition aux secteurs chinois d’Internet et de l’éducation, car nous ne sommes pas à l’aise avec la structure de propriété de l’entité à détenteurs de droits variables (EDDV) du point de vue de la gouvernance. Nous estimions également que les risques d’ingérence réglementaire dans ces secteurs étaient inadmissibles, compte tenu de l’importance économique et sociale de ces secteurs en Chine et de la volonté du gouvernement d’exercer un contrôle étroit sur ceux-ci.
La propriété étrangère dans ces secteurs n’a jamais été autorisée selon la lettre de la loi en Chine, et la solution de rechange pour les entreprises a été le recours à la structure de propriété de l’EDDV. Une EDDV permet aux investisseurs étrangers d’investir dans des secteurs assujettis à des restrictions en Chine par l’entremise d’une structure juridiquement douteuse qui n’a jamais été officiellement approuvée par Beijing. Dans plusieurs cas où les contreparties chinoises ont violé les accords d’EDDV, les investisseurs étrangers ont été laissés en plan devant les tribunaux chinois en raison du statut illégal de la structure d’EDDV. Parmi les incidents très médiatisés figurent Yahoo! qui s’est vu arracher Alipay par Jack Ma, et les causes de Gigamedia, FAB Universal et Chinachem, où on a donné raison aux parties locales dans les litiges d’EDDV.
Investir dans une société où nous n’avons pas de droits de propriété clairement définis et où un gouvernement étranger pourrait soudainement ou arbitrairement juger que nos actions ne valent rien n’est pas un risque que nous sommes prêts à courir avec le capital de nos clients.
Il y a eu des développements importants au cours des derniers mois, en lien avec la forte baisse de l’indice chinois Golden Dragon. Remarque : L’indice MSCI Golden Dragon suit le rendement des actions chinoises de sociétés à grande et à moyenne capitalisation (actions de catégorie H, de catégorie B, de catégorie « red-chips » et de catégorie « P-chips ») ainsi que de titres classés à Hong Kong et à Taïwan. Plus récemment, le 3 août 2021, Tencent a chuté de 6 % après que les médias chinois eurent qualifié les jeux en ligne d’« opium spirituel ». Remarque : En janvier 2021, nous avons écarté l’investissement dans la société Sea Ltd., coqueluche des marchés émergents, pour des motifs liés aux facteurs ESG, en partie en raison de préoccupations réglementaires et sociales entourant ses activités de jeux de grande envergure.
Principaux développements réglementaires en Chine depuis la mi-2020
- 3 novembre 2020 – Le PAPE d’Ant Group est suspendu
- 18 décembre 2020 – Le président Trump signe un projet de loi visant à radier les sociétés chinoises qui ne respectent pas les règles d’audit des États-Unis (Holding Foreign Companies Accountable Act)
- 7 février 2021 – La Chine publie des règles antitrust révisées pour les entreprises Internet
- 9 avril 2021 – Alibaba se voit imposer une amende de 18,23 milliards de yuans dans le cadre de l’enquête anti-monopole de la Chine
- 4 juillet 2021 – La Chine ordonne aux boutiques d’applications locales de retirer l’application Didi, quelques jours après son premier appel public à l’épargne (PAPE) aux États-Unis
- 24 juillet 2021 – La Chine publie une nouvelle réglementation sur le secteur de l’enseignement privé
- 28 juillet 2021 – L’organisme de réglementation chinois affirme qu’il permettra encore les PAPE aux États-Unis
Aperçu des risques liés aux indices
Les actions des sociétés les plus touchées par les événements ci-dessus ont fortement reculé. Après que les organismes de réglementation chinois eurent interdit le tutorat scolaire à but lucratif, les entreprises d’éducation chinoises se sont effondrées en juillet – Gaotu Techedu (-79 %), TAL (-76 %) et New Oriental (-74 %) – en un mois seulement. Ces entreprises sont toutes en baisse d’au moins 90 % par rapport aux sommets atteints plus tôt cette année, et TAL et New Oriental ont perdu leur place parmi les 40 principales composantes de l’indice.
Les poids lourds de l’indice ont chuté précipitamment par rapport à leur sommet : Alibaba (-38 %), Tencent (-37 %), Meituan (-48 %), etc. Nous croyons qu’il s’agit d’une preuve claire que les investisseurs sous-estimaient les risques de gouvernance et de réglementation propres aux placements dans ces secteurs. Nous entrevoyons des risques que les titres de ces sociétés se négocient en fonction de ratios encore plus faibles à l’avenir.
La pondération des sociétés chinoises du secteur d’Internet et de l’éducation dans l’indice MSCI Marchés émergents est passée d’environ 18,5 % au début de 2021 à 14,5 % aujourd’hui. Compte tenu de l’importance de leur poids au sein de l’indice, nous croyons que leur baisse a été exacerbée par les ventes forcées liées aux FNB et aux stratégies indicielles. Il pourrait y avoir d’autres ventes de stratégies en positions acheteur seulement et de fonds spéculatifs en lien avec ces sociétés, et il n’est pas impossible que des titres individuels affichent une volatilité extrême de « type Archegos ». De plus, certains indices pourraient retirer certaines de ces sociétés de leur cote à mesure que nous nous rapprochons de l’échéance de 2024 pour la Holding Foreign Companies Accountable Act, ce qui entraînera probablement la radiation de la plupart des 248 CAAE* chinois des bourses américaines (détails ci-après).
* Remarque : Un certificat américain d’actions étrangères (CAAE) représente les actions d’une société étrangère cotée aux États-Unis.
Les risques liés aux EDDV retiennent désormais l’attention
Nous croyons que d’autres investisseurs commencent à prendre conscience des risques liés aux EDDV. Bloomberg a récemment mis en lumière les déclarations formulées dans le prospectus du PAPE de DiDi :
« Il existe des incertitudes importantes quant à l’interprétation et à l’application des lois et règlements actuels ou futurs de la RPC », indique le prospectus de Didi, au sujet de la structure d’EDDV. Et si quoi que ce soit devait changer, le prospectus stipule que : « les autorités gouvernementales compétentes disposeraient d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour faire face à une telle violation, y compris, sans s’y limiter : […] révoquer les permis d’exploitation et/ou les licences d’exploitation de nos entités de la RPC; …(ou) nous obligeant à réorganiser notre structure de propriété ou nos opérations, y compris mettre fin aux ententes contractuelles avec nos EDDV. »
À la première lecture, le tout est plutôt ahurissant. Mais des mises en garde et des libellés similaires figurent dans les prospectus ou les rapports annuels de toutes les sociétés chinoises cotées aux États-Unis qui exercent des activités dans des secteurs visés par des restrictions et qui ont donc des EDDV – voir l’extrait du rapport annuel d’Alibaba ci-dessous1.
Les risques liés aux EDDV sont clairement mis en évidence dans le rapport annuel 2020 d’Alibaba
« Si nous-mêmes ou l’une de nos entités à détenteurs de droits variables sommes en violation des lois, règles ou règlements actuels ou futurs de la RPC, ou ne parvenons pas à obtenir ou à maintenir les permis ou approbations nécessaires, les autorités réglementaires compétentes de la RPC disposeraient d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour prendre des mesures à l’égard de ces violations ou défaillances, y compris la révocation des permis d’exploitation de nos filiales de la RPC ou des entités à détenteurs de droits variables, l’obligation d’interrompre ou de restreindre nos activités, la restriction de notre droit de toucher des produits, le blocage d’un ou plusieurs de nos sites Web, l’obligation de restructurer nos activités ou d’autres mesures réglementaires ou d’application de la loi à notre encontre. L’imposition de l’une ou l’autre de ces mesures pourrait avoir une incidence défavorable importante sur notre capacité de mener la totalité ou une partie de nos activités commerciales. De plus, il n’est pas clair quelle incidence les mesures prises par le gouvernement de la RPC auraient sur nous et sur notre capacité de consolider les résultats financiers de nos entités à détenteurs de droits variables dans nos états financiers consolidés, si les autorités gouvernementales de la RPC devaient considérer que notre structure juridique et nos ententes contractuelles contreviennent aux lois, règles et règlements de la RPC. Si l’imposition de l’une ou l’autre de ces mesures gouvernementales nous fait perdre notre droit de diriger les activités de l’une ou l’autre de nos entités à détenteurs de droits variables ou de toute autre entité distincte de l’une ou l’autre de ces entités et si nous ne sommes pas en mesure de réorganiser notre structure de propriété et nos activités de façon satisfaisante, nous ne serons plus en mesure de consolider les résultats financiers de nos entités à détenteurs de droits variables dans nos états financiers consolidés. Tous ces événements auraient une incidence défavorable importante sur nos activités, notre situation financière et les résultats d’exploitation. »
Des experts chinois en comptabilité/EDDV ont également indiqué qu’il est très difficile de retirer de l’argent de la structure d’EDDV sans que ne soient exigés des taux d’imposition punitifs (pouvant atteindre 70 %). Cela pourrait expliquer pourquoi les sociétés dotées de cette structure de propriété continuent de mobiliser des capitaux à l’étranger pour financer leur expansion et n’ont jamais versé de dividendes importants.
Par exemple, le dividende de Tencent s’est situé en moyenne à 11 % au cours de la dernière décennie et a reculé pour s’établir à 8 % l’an dernier. Cela, en dépit du fait que la trésorerie et les équivalents de trésorerie ont dépassé 20 G$ US au cours de chacune des quatre dernières années (et 35 G$ US en 2020). La situation pourrait nécessiter un ajustement dans la façon dont ces sociétés sont évaluées.
Que réserve l’avenir?
Il est difficile de prédire ce qui arrivera au secteur au cours des prochains mois, et quiconque vous dit le contraire se leurre.
Beaucoup croyaient que le blitz réglementaire avait pris fin au cours de la dernière semaine de juillet, mais d’autres annonces ont été faites en août. Il est possible que la répression réglementaire s’atténue au cours des prochaines semaines, surtout si la Chine craint des répercussions sur l’économie nationale et les moyens de subsistance individuels.
L’évolution de la réglementation aux États-Unis demeure également incertaine. Les États-Unis ont déjà proposé de devancer d’un an la date limite pour la radiation des sociétés chinoises des bourses américaines si elles ne se conforment pas aux normes d’audit du PCAOB2. À l’approche de cette échéance, nous pensons que le secteur pourrait être confronté à davantage d’incertitude et de volatilité lorsque les investisseurs se rendront compte que cette initiative se concrétise. À moins bien sûr d’un revirement de dernière minute des autorités américaines, ce qui semble peu probable à ce stade-ci.
Si les radiations des inscriptions à la cote de bourses américaines finissent par se produire, nous croyons que les investisseurs seront forcés d’examiner ces sociétés de plus près et de se demander : « Comment puis-je investir dans une société qui ne se soumet pas à des audits aux États-Unis (parmi d’autres lacunes en matière de gouvernance)? »
Northcape n’a depuis longtemps aucune exposition à l’espace Internet chinois, compte tenu de nos préoccupations en matière de gouvernance et de réglementation. Les événements récents ont renforcé notre décision de maintenir notre taux d’actualisation élevé pour la Chine, ce qui reflète nos préoccupations en matière de risque souverain (sur les plans économique, politique et de la gouvernance) lié à l’investissement dans le marché chinois. Par conséquent, nous maintenons une sous-pondération structurelle de la Chine et nous n’avons aucune exposition aux actions chinoises de catégorie A.
On peut donc se poser la question suivante : si un gouvernement peut déclarer unilatéralement que des secteurs entiers ne peuvent plus être rentables et veut, au bout du compte, contrôler la répartition du capital dans l’ensemble de l’économie, alors pourquoi avoir un marché boursier?
Réévaluation de la prime de risque sur les actions chinoises
Nous avons l’impression que le marché commence à se rallier à notre point de vue sur la Chine, d’après la correction récente. Toutefois, les évaluations moyennes en Chine (le ratio cours/bénéfice de l’indice chinois MSCI Golden Dragon est de 20) ne tiennent toujours pas compte des risques selon nous. Comme le montre la figure 2, selon la modélisation du risque souverain de Northcape, la Chine affiche l’une des primes de risque les plus élevées (près de 18 %). Ce niveau est bien au-dessus du taux de rendement de son obligation à 10 ans de 2,8 %, ce qui pourrait suggérer un coût du capital de 8 % à 10 % pour l’observateur occasionnel ou l’investisseur peu informé. Il s’agit clairement d’un niveau qui, à notre avis, sous-estime grandement le risque d’investir dans le pays.
Les évaluations actuelles nous portent à croire que les risques de baisse liés à la Chine demeurent importants si aucune amélioration systémique n’est apportée à l’établissement des politiques et à la gouvernance d’entreprise en général en Chine. Plus précisément, la prime de risque du marché pour la Chine pourrait se détériorer, ce qui entraînerait une baisse encore plus marquée des ratios C/B.
Encore une fois, cela met en évidence les dangers de l’investissement passif en actions dans les marchés émergents, où investir dans une stratégie indicielle par défaut offre une exposition de près de 40 % au risque propre à la Chine. En outre, la situation témoigne habilement des avantages d’investir dans une stratégie de placement active et hautement sélective en ce qui concerne les actions des marchés émergents. Ce type d’approche permet en effet d’évaluer le risque lié à la Chine et d’établir la pondération appropriée pour le portefeuille.
Classement des taux d’actualisation souverains de Northcape parmi les marchés émergents*
L’équipe responsable des actions des marchés émergents
Patrick Russel
Directeur général, gestionnaire de portefeuille et analyste
Expérience dans l’industrie : 31 ans
Tom Pidgeon
Gestionnaire de portefeuille et analyste
Expérience dans l’industrie : 18 ans
Oliver Johansson
Analyste de recherche
Expérience dans l’industrie : 2 ans
Ross Cameron
Gestionnaire de portefeuille et analyste
Expérience dans l’industrie : 13 ans
Douglas Ayton
Gestionnaire de portefeuille et analyste
Expérience dans l’industrie : 33 ans
Cameron Robson
Analyste principal
Expérience dans l’industrie : 10 ans
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