Par T. Rowe Price | 23 juin 2022
Nikolaj Schmidt, Économiste international en chef
Publiée initialement le 22 avril 2022
- Les banques centrales subissent de la pression pour resserrer leur politique en raison de la hausse des cours des marchandises.
- La réponse des banques dépendra de leur autonomie et de leur dépendance à l’égard des flux mondiaux de capitaux.
- Les pays exportateurs de marchandises et les pays des marchés émergents importateurs de marchandises garderont probablement une position ferme, tandis que les pays des marchés développés importateurs de marchandises pourraient adopter une position plus conciliante.
Le prix des marchandises a bondi depuis que la Russie a envahi l’Ukraine. Par conséquent, l’inflation globale1 dans la plupart des pays augmentera probablement rapidement au cours des prochains mois. Étant donné que l’inflation globale à l’échelle internationale était déjà élevée avant l’invasion, les banques centrales se trouvent dans une situation où elles sont fortement pressées à agir.
Elles devraient donc tout simplement accélérer le rythme du resserrement monétaire, n’est-ce pas? Cette logique a du sens dans l’ensemble, mais la hausse des prix des marchandises a pour effet de compliquer la situation. Pour un importateur d’énergie, une poussée du prix du pétrole a tendance à être un choc déflationniste. Bien que l’inflation globale augmente en conséquence, la hausse soudaine des prix à l’importation constitue un choc négatif sur les termes de l’échange qui draine les revenus tirés de l’économie. Avec le temps, cet épuisement des revenus entraîne une décélération prononcée de la croissance, ce qui atténue la pression sur le marché du travail et ralentit la croissance des salaires. Étant donné que les pressions salariales sont le noyau de l’inflation de base2, un resserrement des politiques qui coïncide avec le ralentissement de la croissance des salaires pourrait ne pas être une bonne idée, après tout.
En plus d’être limitées par les conditions économiques actuelles, les banques centrales sont restreintes par la crédibilité de leurs cadres institutionnels et par leur dépendance aux flux mondiaux de capitaux. Autrement dit, nous devrions nous attendre à ce que la réponse d’une banque centrale à la hausse des prix des marchandises dépende de ce qui suit : si elle exerce ses activités dans un marché développé (MD) ou un marché émergent (ME) et si ce pays est un importateur ou un exportateur de marchandises.
Les pays des MD ont tendance à réagir différemment aux chocs externes par rapport aux pays des ME. En règle générale, les MD ont des cadres institutionnels bien établis et crédibles qui comprennent habituellement une banque centrale indépendante. Une plus grande résilience institutionnelle s’accompagne d’un ancrage plus solide des attentes inflationnistes. La banque centrale bénéficie ainsi d’une autonomie quant aux politiques : elle peut balayer les chocs de l’inflation globale sans s’inquiéter outre mesure de l’instabilité des attentes inflationnistes et sans craindre des sorties de capitaux déstabilisatrices.
Les pays des ME ont habituellement des cadres institutionnels récents qui n’ont pas encore prouvé leur résistance aux pressions politiques. Les populations de ces économies ne peuvent pas tenir pour acquis que l’inflation sera faible et stable. De ce fait, à la suite de chocs externes défavorables, les populations, ayant tiré des leçons d’expériences douloureuses vécues, tentent de préserver leur pouvoir d’achat en obtenant des dollars américains. Par conséquent, à mesure que les chocs inflationnistes s’estomperont sur les rives des marchés émergents, les banques centrales des ME seront habituellement forcées de relever les taux d’intérêt pour éviter les douloureuses hausses des attentes d’inflation et les sorties de capitaux perturbatrices qui s’y rattachent. Il est pratiquement impossible de contrer les chocs de l’inflation globale étant donné le peu d’autonomie en matière de politiques.
En ce qui concerne les flux de capitaux, pour les importateurs de marchandises, une forte hausse des prix des marchandises est un choc négatif sur les termes de l’échange qui draine les revenus tirés de l’économie et ralentit l’activité. L’inflation globale pourrait d’abord augmenter, mais au fil du temps, un ralentissement de l’activité réduirait les pressions inflationnistes.
Pour les exportateurs de marchandises, une hausse du prix des marchandises devrait constituer un choc positif sur les termes de l’échange qui se traduira par une manne de revenus. Des revenus plus élevés augmenteraient le pouvoir d’achat des consommateurs, ce qui stimulerait l’activité économique. Il est probable que l’activité progresse davantage étant donné que la hausse des prix des marchandises devrait entraîner une expansion des dépenses en capital dans les industries extractives. Par conséquent, pour les exportateurs de marchandises, les pressions inflationnistes augmentent habituellement en réponse à la hausse des prix des marchandises, tandis que la hausse de l’inflation globale et l’intensification de l’activité économique entraînent des pressions salariales supplémentaires.
L’emplacement et la dépendance à l’égard des flux de capitaux jouent un rôle clé :
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Exportateur de marchandises | Importateur de marchandises |
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Marchés développés |
États-Unis, Australie, Norvège, Canada
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Zone euro, Japon, Royaume-Uni, Suède, Nouvelle-Zélande, Suisse
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Marchés émergents |
Amérique latine, Afrique du Sud, Moyen-Orient, Indonésie, Malaisie
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Chine, Inde, Asie manufacturière (Corée du Sud, Thaïlande, Taïwan, etc.), Europe centrale, Europe de l’Est, Turquie
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En date du 25 mars 2022
Une position ferme privilégie le resserrement de la politique monétaire; une position conciliante privilégie une politique monétaire plus souple.
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En réunissant tous ces éléments, nous constatons qu’une poussée des prix des marchandises entraînera probablement une hausse de l’inflation globale et un choc positif sur les termes de l’échange pour un pays des MD qui exporte des marchandises. Cette manne de revenus causera probablement une hausse de l’activité et de l’inflation de base, ce qui entraînera une réponse résolument ferme de la part de la banque centrale.
La hausse des prix des marchandises entraînera probablement également un choc positif sur les termes de l’échange pour un exportateur de marchandises des ME. Comme dans le cas de l’exportateur de marchandises des MD, la manne de revenus alimentera probablement l’activité et fera augmenter l’inflation de base. Je m’attends à ce que la banque centrale adopte une position ferme et à ce que le rétablissement d’une certaine autonomie en matière de politique lui soit avantageux si les flux de capitaux suivent la hausse des prix des marchandises.
Pour un pays des ME importateur de marchandises, une hausse du prix des marchandises entraînera probablement une hausse de l’inflation globale et un choc négatif sur les termes de l’échange. La baisse de revenus connexe entraînera probablement une baisse de l’activité, qui, au fil du temps, pèsera probablement sur l’inflation de base. La perspective de sorties de capitaux signifie probablement que la banque centrale adoptera une position ferme malgré le ralentissement prévu de l’activité économique. Autrement dit, l’absence d’autonomie en matière de politiques forcera probablement la banque centrale à adopter une position plus ferme en matière de politique qu’idéalement souhaité.
Enfin, en ce qui concerne le pays des MD importateur de marchandises, la poussée des prix des marchandises devrait entraîner une hausse de l’inflation globale et le choc négatif sur les termes de l’échange devrait éroder le pouvoir d’achat, ce qui, avec le temps, réduit l’activité et exerce une pression à la baisse sur l’inflation de base. Dans ce cas, cependant, le degré relativement élevé d’autonomie de la banque centrale devrait lui permettre d’adopter une position légèrement plus conciliante que celle des banques centrales des ME importateurs de marchandises.
Ces réponses politiques divergentes ont quelques répercussions simples pour les investisseurs en titres à revenu fixe : Dans l’ensemble du complexe des devises, les investisseurs pourraient préférer des positions à long terme dans des MD producteurs de marchandises comme l’Australie, la Norvège et le Canada. Les ME et les MD importateurs de marchandises, comme la Corée, la zone euro, le Royaume-Uni et l’Europe centrale, ne tireront probablement pas parti de la hausse de l’inflation. Fait intéressant, avec une balance commerciale du pétrole relativement neutre, le dollar américain se trouve à peu près au milieu du peloton.
En ce qui concerne les négociations sur les taux d’intérêt, nous croyons que les investisseurs devraient s’attendre à ce que les marchés obligataires affichent un rendement inférieur et à ce que les courbes des taux s’aplatissent davantage pour les MD producteurs de marchandises par rapport aux importateurs de marchandises.
Comme pour toute analyse, les conditions initiales sont importantes. La plupart des pays entrent dans la période inflationniste actuelle avec une économie qui a besoin de conditions financières plus strictes. Mise à part la Banque centrale européenne, les banques centrales de MD importateurs de marchandises n’ont pas la place pour un changement significatif vers une position conciliante. En pratique, cela signifie que, bien que les décisions marginales pourraient favoriser l’option conciliante, je m’attends à ce que l’orientation générale en matière de politique ne change pas jusqu’à ce qu’il y ait une incidence importante sur l’activité économique.
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